canoës

Créée pour The Wrong Shop, la série « Canoë » de Philippe Weisbecker a vu le jour suite à une invitation à participer à une exposition collective à Lorient. Collectionneur d'art populaire, de navires et de bateaux depuis de nombreuses années, Weisbecker réalisa que, malgré cette fascination de longue date, il n'en avait jamais dessiné un. Ce qui n'était au départ qu'une simple idée devint rapidement un tournant dans sa pratique artistique.

Au début, les dessins ne lui venaient pas facilement. Après plusieurs semaines de travail sur le sujet, il eut l'impression de ne pas progresser et songea à abandonner le projet. Pourtant, l'idée persistait. Il se remit à observer, non plus les grands navires, mais les petites barques, les canoës et les bateaux d'eau douce. Ces modestes embarcations lui révélèrent quelque chose qui résonna profondément en lui. Chacune était comme une demi-coquille, vide, flottant paisiblement à la surface de l'eau. Dans ces formes, il reconnut deux idées essentielles qui ont guidé son travail pendant des décennies : la relation entre le plein et le vide, et entre ce qui est exposé et ce qui est caché.

De cette découverte est née une série d'œuvres qui explorent autant la perception que le dessin. Chaque canoë est rendu avec une précision sereine, réduit à ses lignes et formes les plus essentielles. Les dessins sont composés avec un sens de l'équilibre et du rythme à la fois analytique et profondément humain. Ce sont des études de la forme, de la proportion et du silence, invitant le spectateur à contempler la poésie discrète du quotidien.

Fidèle à sa démarche, Weisbecker accorde une place essentielle à la matière. Ses dessins sont réalisés sur des sacs de nouilles udon usagés, collectés dans son restaurant de nouilles préféré au Japon. Les textures imprimées, les plis et les petites imperfections des sacs s'intègrent à l'œuvre, conférant à chaque pièce une dimension historique et vécue. L'alliance d'un trait délicat et d'une surface humble métamorphose ces matériaux du quotidien en objets d'une rare beauté et d'une profonde réflexion.

Dans la série « The Canoe » , Weisbecker saisit l’équilibre fragile entre présence et absence, structure et vide, idée et matière. Ce qui peut paraître simple au premier abord révèle, à y regarder de plus près, une profonde méditation sur le temps, l’usage et la valeur inestimable de l’observation silencieuse.